Allocution de E. Macron (Retraites)

Cette allocution crédibilise la thèse de l’extrême gauche selon laquelle l’ingratitude du peuple est toujours justifiée par l’insuffisance des élites. Elle confirme aussi que l’expression affective, la colère, est adéquate pour instruire une organisation politique viable. La fausse compassion exprimée ici se remarque d’abord par son aspect factice, et encore une fois participe à la compassion narcissique typique de l’extrême gauche et qui s’énonce à peu près ainsi : “oh mes pauvres camarades, vous souffrez et votre souffrance vient d’évidence de l’incurie de ceux qui ont la prétention de vous représenter sans s’en montrer à la hauteur. Suivez-moi, nous allons briser les liens entre le peuple et l’état pour vous libérer de vos bourreaux et ainsi vous pourrez m’admirer comme votre sauveur, moi l’extrémiste qui comprends votre peine et vous veux du bien, et accessoirement prêt à tout sacrifier, y compris vous, pour ma gloire.” La compassion n’a pas sa place en politique et il s’agit désormais d’énoncer la situation plutôt de la façon suivante :
“Durant mon premier quinquennat et celui qui s’est ouvert il y a un an, avec vous, la France a grandi. Même si je sais que tous, parmi vous, n’ont pas encore le sentiment d’y trouver son compte, le pays dans son ensemble figure désormais comme la principale place financière d’Europe, le pays qui a vu le taux d’emploi se redresser et se maintenir à des niveaux historiques malgré les crises internationales successives, le pays où la distribution de la richesse produite progresse dans un équilibre rare qui permet l’investissement et protège de mieux en mieux les plus fragiles, l’un des pays dont la croissance du marché touristique apporte des garanties de croissance pour les décennies à venir, le pays qui démontre la meilleure résilience aux soubresauts historiques qui affectent les marchés de l’énergie,… bref, par notre travail commun, par nos efforts communs, nous réussissons à dessiner un avenir pour notre pays qui permet à chacun de l’envisager plus sereinement. Ce sont vos efforts qui permettent ces progrès et le financement de notre système de retraite par répartition, notamment, tient à part entière à votre participation. Chaque heure passée à construire notre avenir coûte du temps et de la peine à chacun, je le sais pour le vivre aussi, mais nous sommes les ancêtres de nos héritiers comme nous sommes les héritiers de nos ancêtres et la France historique vient de passer une nouvelle étape grâce à la réforme de notre système de retraites. Ensemble, nous écrivons aussi l’histoire de la réussite de nos enfants. J’entends bien les discours ingrats, pessimistes et accusateurs qui voudraient décrire la France comme un pays en perdition mais je vois surtout qu’ils sont rédigés pour séduire l’intuition et réunir le vice plutôt que pour participer à l’amélioration constante de l’organisation de la vie publique. Personne ne bénéficie de la violence, de la casse, toute perte de valeur appauvrit chacun. Qu’on soit de droite ou de gauche m’importe peu, pourvu qu’on trouve ensemble le juste milieu, la bonne mesure qui permet à chacun de réaliser la version idéale de lui-même et au corps commun de se renforcer à chaque nouvelle épreuve. Les chiffres et le sentiment ne décrivent pas toujours la même réalité mais sous ma présidence et par vos efforts, la France se confirme comme la locomotive de l’Europe, et dans un monde organisé entre les grands pôles que sont l’Amérique, la Chine et la Russie, l’Europe et sa France apparaissent de plus en plus comme ce juste milieu qui permettra certainement, demain, de trouver la paix à l’échelle mondiale. La France reste un exemple de réussite mais il importe que nous soyons nous-mêmes conscients de notre rôle et de nos privilèges et lorsque nous nous divisons, lorsque nous préférons la colère au dialogue voire la violence à la paix, nous affaiblissons non seulement les plus modestes dans nos territoires mais aussi l’humanité, dans sa dimension la plus globale. Chacun d’entre nous influence l’ordre du monde et j’ai à coeur que le peuple français avance uni, déterminé, conscient de ses forces, reconnaissant de ses accomplissements et pleinement investi comme modèle de réussite. Nous devenons un pôle de décision politique à l’échelle mondiale par l’effort de chacun. Il ne faut pas perdre de vue le lien entre l’individu et l’universel, ma politique reste motivée par cela. Grâce à vous, à l’Europe et avec le concours de vos dirigeants politiques actuels, tous ceux qui participent à la construction et évitent la destruction de ce lien entre la personne et le tout, nous pouvons collectivement nous enorgueillir de grandir comme une grande puissance économique, un modèle sociétal et culturel durable et remarquable, et aussi un modèle de justice sociale enviable. Sur ce dernier point, je ne me contente pas d’observer les difficultés à résoudre la grande équation qui consiste à favoriser le développement de chacun tout en protégeant les plus fragiles du développement des autres, en modelant la nature selon nos besoins fondamentaux mais sans l’altérer. Il faut que chacun puisse devenir la version idéale de lui-même, il faut éviter que certains se développent en radicalisant la pire version d’eux-mêmes et il faut que celui pour qui le changement n’est pas assez synonyme de progrès trouve en l’état, c’est-à-dire l’ensemble de la collectivité, ses institutions mais aussi tous ceux qui prospèrent dans l’état, un allié infaillible, attentif et généreux. C’est aussi pour cela que chacun est amené à travailler deux années supplémentaires, pour financer l’ensemble du mécanisme de solidarité. Sous mon impulsion et l’action du gouvernement ainsi qu’à travers les débats parlementaires, une politique – il ne faut pas se tromper sur ce que veut dire politique : c’est l’organisation de la vie publique, elle engage chacun d’entre nous, elle est une réflexion qui ne peut rejeter personne et j’ai à coeur de maintenir dans mon action politique cette dimension universelle, c’est la seule solution pour s’élever – est apparue devant vous, ces 6 dernières années, elle correspond au programme que j’avais annoncé mais surtout elle est une politique qui évite les excès de tous bords : nous sommes entrés dans l’équilibre fonctionnel que tant d’autres avaient peiné ou franchement échoué à mettre en place. Si je vous parais parfois froid ou technocratique, élitiste ou pourquoi pas parfaitement inadéquat, il restera après l’homme une action politique en faveur de la justice, de l’investissement, de la redistribution, de l’effort partagé. Ce n’est pas ce que je vous dis ici qui compte réellement mais la façon dont vous pouvez valoriser la nouvelle situation la France. Chacun peut mieux se former, chacun peut davantage se réinventer, créer son entreprise, prendre plus de risques avec moins de dangers, chacun peut s’adresser à l’état pour obtenir les contributions publiques qui lui sont nécessaires, que ce soit pour un abondement à l’investissement ou une allocation de famille. L’état s’est doté d’une pensée pour chacun, en quelque sorte. Certes, il faut travailler deux ans de plus pour garantir la pérennité de notre système de retraites, mais ce travail finance aussi un état au service de chacun, plus efficace, plus moderne, qui sanctionne mieux la fraude d’un côté et reconnaît le droit à l’erreur du particulier qui explore les nouvelles opportunités, de l’autre. Nous entrons dans une ère nouvelle, dans un monde nouveau, il peut faire peur, il en intimide beaucoup et c’est normal, mais il me semble que la France représente aujourd’hui un espace de confiance et d’opportunités renouvelées. Je suis entré en politique parce que je croyais au peuple français, ses potentialités et ces dernières années j’ai vu mon peuple affronter des crises terribles à la fois dans l’abnégation, la résilience et une attitude conquérante qui nous a permis de surmonter ces moments difficiles. Vous ne m’avez pas déçu et je ne veux pas davantage vous décevoir même si certaines décisions doivent s’imposer contre certaines intuitions. Il nous reste à tirer pleinement partie de ces efforts collectifs, de cette nouvelle construction et je nous enjoins collectivement à nous concentrer sur la valeur du monde auquel nous donnons naissance plutôt que sur des sentiments qui pourraient nous freiner. Vive la France. »


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